Dictons Russes

J’ai l’honneur de vous présenter quelques dictons, qui vous réchaufferont le cœur :

“Frappe ta femme avec un pieu, approche-toi, sens si elle respire ; si elle bouge, c’est qu’elle en veut encore.”

“La femme est deux fois chère : quand on l’amène à la maison, quand on la conduit au tombeau.”

“Pour la femme et l’animal, il n’y a pas de tribunal.”

“Plus la femme est battue, meilleure est la soupe.”

Et de rien! Cœur avec les doigts. N’hésitez pas à partager vos dictons favoris en commentaires, qu’on s’enjaille!

Victoria Thérame, autrice féministe de polars rocambolesques

Je viens de dévorer deux romans de l’autrice Victoria Thérame, en tombant dessus de manière hasardeuse, et c’est de la frappe ! Je m’en viens vous en toucher deux mots… ou peut-être un peu plus.

Depuis cet été, on peut dire que je suis à fond dans les polars, ce genre qui ne m’avait jamais intéressé auparavant me tient en haleine depuis des mois. J’ai commencé avec « La Sorcière » de l’auteure Camilla Läckberg (que je vous conseille lourdement) et depuis plus rien ne m’arrête.

Il y a deux semaine, on a mis entre mes mimines deux romans de Victoria Thérame (« Staboulkash » et « Sperm River – Aventures rocambolesques de Béatrice Verly, dite Béverly »). Je ne connaissais ni l’autrice ni ses romans. Et voici ce que j’ai découvert…

Déjà, cette autrice a été journaliste pour la revue « Sorcières » !

« Sorcières » était une revue littéraire, artistique et féministe entre 1975 et 1982. Je suis tellement déçue de ne pas l’avoir connue. Si quelqu’un à un vieux numéro dans son placard, je suis preneuse, contactez-moi de toute urgence !

Voici un extrait de son manifeste (attention, c’est beaucoup trop bien) :

« Pourquoi sorcières ? Parce qu’elles guérissaient. Ou empoisonnaient. Rien là de surnaturel. Elles étaient les soignantes, les guérisseuses du peuple. Elles étaient les sages-femmes, aidaient les femmes à la naissance, à la vie. Elles pouvaient aussi les aider à se libérer de grossesses non désirées. C’était un peu trop ! « L’Église déclare, au XIV siècle, que si la femme ose guérir, elle est sorcière et meurt » (Michelet). Est-ce un hasard si la lutte pour la liberté de l’avortement est une des premières grandes luttes de femmes, actuellement ? Comme les sorcières, brûlées par l’Église au bénéfice de la Médecine, des milliers de femmes, ici et maintenant, ont été tuées ou mutilées par l’Ordre des prêtres et l’Ordre des médecins. Et ce n’est pas seulement de liberté qu’il s’agit. Cette lutte est une mise en cause des rapports de reproduction (et de production) qui ébranle les sous-bassements de la société. La société phallocratique s’est édifiée, érigée sur la mise à l’écart, pire sur le refoulement de la force féminine. La révolution qui vient va tout bouleverser, elle est irrépressible, inexpiable. Je voudrais que « Sorcières » soit un lieu ouvert pour toutes les femmes qui luttent en tant que femmes, qui cherchent et disent (écrivent, chantent, jouent, filment, peignent, dansent, dessinent, sculptent) leur spécificité et leur force de femmes ».   Xavière Gauthier : Sorcières n°1, 1975

Marguerite Duras et Françoise Dolto ont d’ailleurs contribué à cette revue. Un peu la classe.

Si la thématique des sorcières vous intéresse, je vous conseille la lecture de Rêver l’Obscur de Starhawk.

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Victoria Thérame est publiée à l’Édition des Femmes !

Pour celleux qui ne le savent pas, il s’agit d’une maison d’édition lancée en 1972 par des femmes du MLF et du collectif Psychanalyse et Politique.

Elles éditent des œuvres d’auteures, sur les femmes et l’émancipation féminine. Elles ont notamment édité George Sand et Virginia Woolf, sisi.

Un des premiers succès en librairie pour cette maison d’édition est « Hosto Blues » de Victoria Thérame, et le premier best-seller est « Du côté des petites filles » d’Elena Gianini Belotti. Je n’ai pas encore lu « Hosto Blues », mais « Du côté des petites filles » est selon moi un livre à lire de toute urgence, pour tous et toutes. Allez-y, go go go !

Bref tout ça pour dire que cette maison d’édition est beaucoup trop cool !

Victoria Thérame est une personne super, ça devrait être un argument suffisant… non ?

« Les femmes de cette époque, nous étouffions, humiliées, désespérées, révoltées, la tête dans les murs. La misogynie nous écrasait chaque jour. Nous n’en pouvions plus de l’injustice qui nous était faite, du mépris qui nous entourait. Privées d’études, cantonnées dans des métiers pénibles, inférieurs, mal payés. En finir avec ce vieux monde ! Dans toutes les assemblées de femmes – sans hommes, car les hommes venaient pour insulter, ricaner, freiner ce mouvement révolutionnaire et leur présence rendait muettes certaines femmes habituées à plier devant eux -, dans toutes ces assemblées, chacune racontait, pleurait, criait sa souffrance, les abcès se crevaient et la misère, l’oppression de la vie féminine montait comme une vague énorme que rien, désormais, ne pourrait arrêter » Victoria Thérame.

Voilà voilà, maintenant qu’il est communément admis que cette femme déchire, on va passer à ses deux romans.

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Staboulkash

« Staboulkash, je ne savais pas ce que ça voulait dire. Ce soir, je me l’explique mieux : une machine noire qui s’élance et défie la mort. » Victoria Thérame.

Jaki a une vie plutôt banale, un boulot banal, une relation toxique banale…

Mais elle, elle est loin d’être banale, et elle décide de se tirer sur la piste du bonheur et de l’indépendance, de la liberté.

« Jaki, elle est morte, Jaki, elle en peut plus. Vous l’avez trop usée […] J’ai choisi de vivre envers et contre tout. Je me laisserai plus noyer par votre impuissance volontaire et morbide ! »

Elle quitte tout, suit la trace d’un parfait inconnu et se jette dans sa véritable passion, la musique. Jaki est pianiste, elle vit sa vie en musique, pense, ressent et voit en musique. On rencontre des personnages et des lieux extraordinaires, on se laisse flotter sur la poésie musicale de Jaki, et aussi, voire surtout, par ses névroses qui nous bercent jusqu’à une sorte de sommeil éveillé, de songe étrange. Dans ce roman, la musique est une arme, une fierté, un poème, une rêve, une folie, une vérité, une âme. Mystères et obsessions se mêlent délicieusement dans une tornade rythmée et à travers des événements complètement extravagants.

« Et pourquoi Agatha était-elle dans la chambre de Jean ? Et si Agatha, c’était Jean ? Qu’Agatha soit le travesti de Jean ? Les ai-je déjà vu ensemble ? … Cette maison me donne des tournoiements étranges et des interpénétrations de personnages… mon monde se pétrit dans ma tête, s’amalgame, joue, s’amuse ! Tout est possible ! Tout est mélangé ! Tout est un mouvement perpétuel ! »

Jaki est un personnage incroyable. Je me demande souvent si je la pense au bord de la folie, ou si je pense qu’au contraire c’est un des personnages féminins les plus réalistes et censés que j’aie pu lire… Et je crois que c’est exactement les deux. Allé, ça vous donne pas un peu envie de la suivre dans ses multiples enquêtes ? Même si elle ne vous plaît pas, ses ami(e)s vous convaincront bien assez rapidement. Place aux marginaux et aux artistes, dans un décor spectaculaire ! Force et paillettes.

« Zette s’est accroupie contre mon tabouret à sa manière habituelle ; je me souviens de son regard, la première fois… brasier ardent, rougeoiement… j’aspire de toutes mes forces à te débarrasser de Jarby… à nous débarrasser de cette oppression, de cette menace sur le Corsaire… »

En réalité, j’arrive pas à me dire avec certitude que ce roman est bel et bien un polar. C’est bourré de mystères, d’enquêtes… mais il ne s’agit pas spécifiquement de crimes, et la police prend très peu de place dans le roman. Si vous l’avez lu, j’aimerais vraiment avoir votre avis sur la question !

« Rien n’est bizarre maestrina ! Tout s’explique un jour ou l’autre ! »

Au fait, Staboulkash a obtenu le prix Jean Macé en 1982, ouais ouais.

Sperm River – Aventures rocambolesques de Béatrice Verly, dite Béverly

Là, pour le coup on est vraiment sur un polar. Un polar vraiment chelou, mais un polar quand même.

« Quatre vieilles dames seules assassinées à l’arme blanche et à la scie. Coupées en morceaux vivantes. Elle s’introduit chez elles en prétextant qu’elle leur livre des fleurs. Tu parles, les vieilles, négligées de tous, si elles sont curieuses et heureuses de recevoir des fleurs ! »

Béverly bosse dans un hôpital, en service psychiatrie, et son boulot a tendance à déborder à grands flots sur sa vie privée. Amoureuse d’un ancien patient et apparemment poursuivie par une présumée meurtrière… Laissez-moi vous dire qu’elle va se laisser happer dans un bordel innommable !

C’est vraiment un polar complètement barré, que j’ai adoré ! Et je vous invite à aller suivre l’enquête de la demoiselle.

« J’eus du mal à m’endormir. Je rêvais que Réginald était réellement le géant roux de la Samar. Échanger un malade mental contre un sportif ! Retrouver ce que j’avais vécu avec Sylvain… Parler, danser, rire, dans une éclaboussante énergie ! Au lieu de ce labyrinthe gluant et noir que j’avais aux trousses »

Victoria Thérame… MERCI !

Merci de créer des femmes fortes, des femmes vraies, des femmes brisées, des femmes barrées, des femmes passionnée, des femmes courageuses, des femmes assumées.

D’ailleurs ! Vous avez entendu parler du Staunch Book Price ? Il s’agit d’un prix qui récompense l’auteur d’un thriller dans lequel aucune femme n’est “battue, harcelée sexuellement, violée ou tuée.”

Je pense qu’il est important de représenter les violences infligées aux femmes, parce qu’elles sont une réalité pour beaucoup d’entre elles. Mais à un moment, ça existe aussi les femmes fortes, intelligentes et courageuses. Donc merde, il n’y a pas UNE image de la femme (faible, victime), il y en a MILLE bon sang de bois !

Tout ça pour dire que je salue grandement cette initiative de Bridget Lawless !

Vous aviez déjà entendu parler de cette femme ? Ou bien déjà lu un de ses romans ? Vous en avez pensé quoi ?

Femmes qui courent avec les loups

Bien le bonjour mes braves! Je m’en viens vous parler d’un livre exceptionnel que toute personne devrait lire.
Il s’agit de Femmes qui courent avec les loups, histoires et mythes de l’archétype de la femme sauvage, de Clarissa Pinkola Estès, publié en 2001.

“La vie sauvage et la Femme sauvage sont toutes deux des espèces en danger.
Au fil du temps, nous avons vu la nature instinctive féminine saccagée, repoussée, envahie de constructions. On l’a malmenée, au même titre que la faune, la flore et les terres sauvages. Cela fait des milliers d’années que, sitôt que nous avons le dos tourné, on la relègue aux terres les plus arides de la psyché. Au cours de l’histoire, les terres spirituelles de la Femme Sauvage ont été pillées ou brûlées, ses tanières détruites au bulldozer, ses cycles naturels forcés à suivre des rythmes contraires à la nature pour le bon plaisir des autres…”

Clarissa Pinkola Estès est une analyste jungienne, docteure en psychologie ethno-clinique, conteuse, et sacrément féministe. Dans ce livre, elle reprend plusieurs contes populaires du monde, qu’elle va analyser. Elle en décortique les symboles et nous propose une interprétation visant à nous aider à retrouver nos forces et s’émanciper de la société qui a si longtemps cherché à nous domestiquer. Elle nous permet de nous reconnecter à la femme sauvage en nous, à nos capacités, à notre intuition et à notre instinct.

 Je vous offre quelques citations, qui peut-être seront difficiles à apprécier à leur juste valeur, car elles sont en dehors de leur contexte, puisque chacune est liée à un conte, son interprétation et les termes que l’autrice vulgarise.

“ Certains disent que le voile, c’est l’hymen, d’autres que c’est l’illusion. (…) Il est amusant de constater que si le voile a été utilisé pour dissimuler la beauté de la femme aux regards concupiscents, il fait aussi partie de la panoplie de la “femme fatale”. Porter un voile d’un certain style, à un certain moment, avec un certain amant, d’une certaine manière, c’est exsuder un érotisme torride qui coupe littéralement le souffle. En psychologie féminine, le voile est symbolique de la capacité qu’ont les femmes d’être, en présence ou en essence, ce qu’elles veulent“

“pour éviter de jouer les petites marchandes d’allumettes,il faut impérativement effectuer un geste essentiel.Il faut refuser de perdre votre temps avec ceux qui ne vous soutiennent pas dans votre art, dans votre vie.C’est dur mais c’est vrai.Sinon, vous allez mener une vie réduite qui va geler toute pensée,tout espoir, vos dons, l’écriture, la peinture, le théâtre, la danse.“

“ Chez beaucoup de femmes, une part considérable de ces blessures provient des espoirs déçus alors qu’elles attendaient raisonnablement de voir tenues les promesses qu’on leur avait faites : être traitées dignement, nourries à leur faim, avoir la liberté de parole,de pensée, de sentiment, de création. “

“ J’espère que vous allez laisser les histoires, c’est à dire la vie, vous arriver, que vous allez travailler avec ces histoires issues de votre existence -la votre, pas celle de quelqu’un d’autre- les arroser de votre sang et de vos larmes et de votre rire, jusqu’à ce qu’elles fleurissent et que vous fleurissiez pleinement à votre tour. C’est là la tâche, l’unique tâche. “

Je n’ai rien de plus à dire que : c’est de la bombe! Il faut absolument lire ce bouquin, et au plus vite. Foncez!

Je vous invite également à lire cet article, sur la gorgone Méduse, personnage mythologique, qui représente très bien l’archétype de la femme sauvage.

Et vous, il vous a fait quel effet ce bouquin ?

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Illustration : Giada Rose

Conte pour la veillée de Yule

« Il était une fois deux sœurs, nous pouvons les appeler Zelda et Johanna, même si elles ont vécu il y a tellement longtemps qu’on ne se rappelle plus de leurs vrais noms. Zelda, la sœur aînée, était très belle à regarder, mais elle n’était pas très gentille. En fait, comme elle était très belle, elle menait sa vie en s’imaginant que tout le monde devait lui rendre service, et la laisser faire ce qu’elle voulait ; et assez souvent, c’est ce que les gens faisaient.

Johanna, la sœur cadette, était différente. Elle était sympathique avec tous ceux qu’elle rencontrait, et serviable, surtout avec les personnes âgées de son village. Elle leur rendait toujours service, essayait de s’assurer qu’ils avaient assez à manger et qu’ils avaient tout le confort nécessaire à disposition. Johanna était plutôt quelconque à regarder, pas laide, mais certainement pas une beauté non plus. Seules les personnes suffisamment sages pour voir sous la surface des choses remarquaient son esprit magnifique dont la brillance filtrait par ses yeux.

Un jour Johanna et Zelda filaient la laine ensemble près du petit puits qui alimentait en eau leur cottage. Johanna faisait tourner son fuseau pour tordre le fil et le lâcha brusquement. Le fuseau roula sur la margelle et tomba dans le puits.
« Regarde ce que tu as fait ! » dit Zelda. « Tu ferais mieux de descendre dans le puits et de le récupérer. On ne peut pas se permettre de le perdre. »
Johanna avait peur mais elle savait que Zelda avait raison. Il n’y avait pas assez d’argent pour remplacer le fuseau. Alors elle descendit prudemment dans le puits en prenant appui sur les pierres les plus saillantes.
Elle descendit, encore et encore et encore, jusqu’à ce que le Cercle de lumière en haut devienne une minuscule étoile, puis disparaisse. Et pourtant le fond du puits n’arrivait toujours pas. Mais il fallait qu’elle continue, et qu’elle récupère le fuseau ! Alors elle continua.


Après un très long moment, elle sentit finalement le sol sous ses pieds. Surprise, elle cessa de s’accrocher aux pierres. Le puits disparut, et elle se tint soudain au milieu d’un vaste champ de neige argentée. Elle ne pouvait distinguer ni Soleil, ni Lune, mais le ciel au-dessus d’elle semblait briller d’une lumière d’argent, et au loin se trouvait un petit bois d’arbres à l’écorce blanche, qui semblaient briller de l’intérieur.
Johanna commença à marcher vers les arbres, et se trouva soudain sur un chemin qui serpentait entre eux. Elle marcha encore, cherchant partout du regard son fuseau. Elle arriva finalement dans une clairière.
Au centre de la clairière se trouvait un énorme pommier, très vieux. Ses rameaux étaient couverts de neige et alourdis par des pommes rouges.
« Cueille-les, cueille-les ! » dit le pommier. « Mes branches vont se briser sous le poids de tous ces fruits. Récolte-les ! Aide-moi ! »
Johanna regarda autour d’elle et vit un grand panier à ses pieds. « Je vais t’aider », dit-elle au pommier, et elle se mit tout de suite au travail. Elle cueillit toutes les pommes qu’elle put atteindre, puis grimpa dans l’arbre pour ramasser les fruits sur les branches les plus hautes. En récoltant les fruits, elle commença à se sentir étrange et rêveuse, à se rappeler toutes sortes de choses qu’elle avait oubliées, comme si en ramassant les pommes elle ramassait ses propres souvenirs. Elle se sentit très fatiguée, mais ne s’arrêta pas avant d’avoir récolté jusqu’au dernier fruit. Puis elle redescendit, remercia l’arbre pour ses fruits, accrocha le panier sur ses épaules et se remit en route.


Le chemin la conduisit de nouveau dans la forêt d’arbres argentés ; des oiseaux d’argent s’appelaient les uns les autres au-dessus d’elle, et des écureuils d’argent couraient parmi les branches enneigées. Elle était fatiguée et le panier était lourd, mais elle continua, cherchant toujours son fuseau. Elle parvint enfin à une autre clairière.
Dans cette clairière se trouvait un gros four de briques, construit à l’ancienne. Devant le four se trouvait une table de bois, et dessus, des miches de pain encore crues.
« Fais-nous cuire ! Fais-nous cuire ! » crièrent les pains. « Si on ne nous fait pas cuire maintenant, en respectant bien le temps de cuisson, nous serons gaspillés. Aide-nous ! »
« Bien sûr, je vais vous aider », dit Johanna. « Je sais cuire le pain. » Elle posa son panier et mit les miches de pain au four, puis elle s’assit et surveilla la cuisson. Elle se sentit encore somnolente et rêveuse, mais cette fois-ci, elle repensait à toutes les choses qu’elle souhaitait et prévoyait de faire dans sa vie, comme si les miches de pain étaient ses propres espoirs et ses rêves en train de lever. Elle lutta contre le sommeil bien qu’elle soit très fatiguée, et continua de surveiller le pain jusqu’à ce qu’il devienne doré et que la croûte soit craquante. Puis elle le sortir du four, le laissa refroidir, et le posa dans le panier avec les pommes. Elle remercia le four pour le pain et se remit en route.


Elle marcha encore dans la forêt, où des renards argentés filaient entre les arbres et où des sangliers blancs laissaient des traces dans la neige. Enfin elle parvint à une autre clairière, et là, elle vit une maison à nulle autre pareille.
La maison était faite de toutes les choses bonnes à manger qu’elle pouvait imaginer. Les murs étaient en gâteau de miel et en pain d’épice, le toit en glacis de chocolat blanc, les marches étaient en bonbon dur, et les rampes en sucre d’orge.
Johanna avait très faim, mais elle savait que ce n’était pas poli de commencer à grignoter la maison de quelqu’un sans demander la permission, alors elle frappa à la porte, qui était un gros cookie au citron.
La porte s’ouvrit et Johanna vit une femme. A première vue, elle semblait très, très vieille, mais quand Johanna regarda mieux, elle lui parut plus jeune. Son visage était sombre comme le vieux bois, ou comme le jeune ciel nocturne, mais lorsque Johanna clignait des yeux, elle devenait blanche, pâle et argentée comme une pleine Lune ou un champ enneigé. L’espace d’une minute Johanna voulut sauter dans ses bras et se serrer contre elle sur ses genoux, mais la minute suivante, elle se retrouva presque trop effrayée pour parler et soutenir le regard ardent de cette femme.
« Je suis Mère Hiver », dit la femme. « Qui es-tu, toi qui viens frapper à ma porte ? »
« S’il vous plaît, Mère, je m’appelle Johanna », répondit-elle. « Je suis à la recherche de mon fuseau, que j’ai perdu, et je vous apporte un panier de pommes que j’ai cueilli, et du pain que j’ai fait cuire. »
« Tu as frappé à la bonne porte », dit Mère Hiver. « Tous les fuseaux perdus viennent à moi. Et tu m’as apporté de bonnes offrandes. Je t’aiderai, mais avant cela, il faudra que tu travailles pour moi. Tu dois couper du bois pour me tenir chaud, nettoyer ma maison, et faire mon lit. »
« Avec plaisir, Mère », dit Johanna, et elle se mit immédiatement au travail. Comme elle avait toujours aidé les gens de son village, elle savait couper du bois avec une hache, laver les sols, nettoyer les tables et faire la vaisselle. Mère Hiver observa tout ce qu’elle faisait, très satisfaite.
« Maintenant, il te reste juste à monter à l’étage et faire mon lit », dit Mère Hiver. « Secoue bien ma couette de plume par la fenêtre, et fais-le vigoureusement. Car je suis Mère Hiver, et quand tu secoues ma couette par la fenêtre tu apportes de la neiges dans les endroits du monde qui en ont besoin, et de la pluie dans les endroits du monde qui en ont besoin. »
Alors Johanna monta et secoua la literie de plume aussi fort qu’elle le pouvait, et dans le monde d’en-haut la pluie et la neige tombèrent comme il le fallait.
« Tu dois être fatiguée et avoir faim », dit Mère Hiver. « Viens prendre un peu de soupe et un repas chaud. »
Dans la cheminée, Mère Hiver avait mis un gros chaudron plein de soupe chaude. Elle en tendit un bol à Johanna, qui pendant un instant put jeter un coup d’œil dans le chaudron. Le breuvage y était noir comme le ciel nocturne, constellé d’étoiles tourbillonnantes et de flocons de neige.
« Dans mon chaudron, tu peux voir tous les rêves et tous les possibles », dit Mère Hiver. « Tout ce qui est arrivé et tout ce qui ne s’est pas encore produit y mijote ensemble. Maintenant, buvons. »
Johanna but, et la soupe avait meilleur goût que tous les bonbons et tous les gâteaux du monde. Elle était nourrissante, rafraîchissante et excitante à la fois, et une seule gorgée suffisait pour être rassasié.
« Voici ton fuseau », dit Mère Hiver en le tendant à Johanna. Lorsqu’elle le prit en main, il était lourd, et lorsqu’elle le regarda, elle vit qu’il s’était changé en or massif. Puis, Mère Hiver et elle mangèrent du pain et des pommes.
« Tu as bien travaillé » dit Mère Hiver lorsqu’il fut temps pour Johanna de partir. « Tu m’as apporté de bonnes offrandes. Tu as nourri mon feu et nettoyé ma maison, et tu as secoué bien fort ma couette de plume ! Quand tu retourneras dans ton monde, tu découvriras que tu a emporté avec toi des dons. Car je suis la Pourvoyeuse et l’Enseignante. »


Johanna revint donc, parcourut tout le long chemin à travers le bois argenté, passa devant le four, passa devant le pommier, jusqu’au vaste champ où un cercle sombre s’ouvrait dans le ciel comme une bouche béante. Johanna brandit son fuseau d’or, et un rayon de lumière s’éleva dans l’obscurité. Elle sentit soudain les pierres du puits sous ses mains et elle grimpa, monta et monta jusqu’à repasser par dessus la margelle.

Zelda s’impatientait près du puits. « Où était-tu ? » demanda-t’elle. « Qu’est-ce qui t’as pris si longtemps ? Et qu’est-ce qui t’es arrivé ? »
Car Johanna avait l’air assez différente de la jeune fille qu’elle était avant de descendre dans le puits. Ses traits n’avaient pas changé, mais à présent son visage semblait briller d’une lueur intérieure, et la bonté de son cœur la rendait vraiment belle. Elle ouvrit la bouche pour expliquer à sa sœur ce qui s’était passé, et tandis qu’elle parlait, de l’or, de l’argent et des pierres précieuses tombèrent de sa bouche et couvrirent le sol.
« Tu as pris du bon temps, à ce que je vois ! » dit Zelda. Elle était très jalouse. « Pourquoi est-ce que tu devrais avoir toutes ces bonnes choses et moi rien ? Je vais descendre dans ce puits moi-même ! »
Et elle enjamba la margelle pour descendre. Elle se retrouva dans le pays argenté, et marcha à travers le bois jusqu’à la clairière au pommier.
« Cueille-moi, cueille-moi ! » dit le pommier. « Mes branches vont se briser sous le poids de tous ces fruits. Récolte-les ! Aide-moi ! »
« Ha ! », dit Zelda avec ennui. « Est-ce que j’ai l’air d’un jardinier ? Tu ne crois pas que j’ai des choses plus importantes à faire que de perdre mon temps à ramasser des pommes ? Qu’elles pourrissent, tes pommes ! »
Et elle passa son chemin.
Elle arriva bientôt à la clairière au four où des miches de pain attendaient d’être cuites.
« Fais-nous cuire ! Fais-nous cuire ! » crièrent les pains. « Si on ne nous fait pas cuire maintenant, en respectant bien le temps de cuisson, nous serons gaspillés. Aide-nous ! »
« Ha ! » dit Zelda avec ennui. « Est-ce que j’ai l’air d’un boulanger ? Tu ne crois pas que j’ai des choses plus importantes à faire que de m’asseoir et de regarder du simple pain qui cuit ? Qu’il soit gaspillé, qu’est-ce que ça peut bien me faire ? » Et elle passa son chemin.


Elle arriva finalement devant la maison de Mère Hiver, faite en toutes les bonnes choses qu’elle pouvait imaginer manger. Elle avait faim, alors elle brisa un morceau de pain d’épices dans un mur et commença à le manger.
La porte de la maison s’ouvrit et Mère Hiver sortit. « Je suis Mère Hiver », dit-elle. « Qui es-tu, et pourquoi viens-tu ici ? Pourquoi manges-tu ma maison sans m’avoir demandé la permission ? »
« Excusez-moi », dit Zelda. « J’avais faim. Je suis venue parce que vous avez donné des choses vraiment merveilleuses à ma soeur et je pense que vous devriez aussi me faire quelques cadeaux. »
« Ah, vraiment ? Vraiment ? » dit Mère Hiver. « Quelles offrandes m’apportes-tu ? »
« Des offrandes ? » dit Zelda. « Je ne savais pas que j’étais sensée apporter des offrandes. Je pensais que c’était vous qui faisiez des cadeaux. »
« Je suis la Pourvoyeuse, en effet », dit Mère Hiver. « Mais les cadeaux se méritent. Tu as grignoté ma maison sans me demander la permission, et tu ne m’as apporté aucune offrande, mais je vais quand même te donner une chance d’obtenir mes cadeaux. Tu devras travailler pour moi. Il faudra couper du bois pour nourrir mon feu et nettoyer ma maison, et faire mon lit. »
« Je suis obligée ? » pleurnicha Zelda. « Est-ce que j’ai l’air d’une femme de ménage ? » Mais elle ne le dit pas très fort. Elle sortir pour couper du bois mais comme elle n’avait jamais pris la peine d’aider qui que ce soit dans ses corvées auparavant, elle ne savait pas comment couper une bûche ni comment utiliser une hache. Après quelques essais à contrecœur, elle abandonna. Elle rassembla quelques morceaux qui restaient sur le sol et les apporta à l’intérieur. Puis elle essaya de nettoyer le sol mais tout ce qu’elle parvint à faire fut de déplacer la poussière. Elle fit tomber les miettes de la table sur le sol, ce qui le rendit encore plus sale, et fit la vaisselle avec tellement de mauvaise volonté que de la nourriture collait encore aux assiettes quand elle les empila.
« Je peux avoir mes cadeaux maintenant ? » demanda Zelda.
« Tu n’as pas bien travaillé », dit Mère Hiver. « Tu as grignoté ma maison sans permission, et tu ne m’as apporté aucune offrande. Tu n’as pas nourri mon feu, ni nettoyé ma maison. Pourtant je vais encore te donner une chance. Monte à l’étage et fais mon lit. « Secoue bien ma couette de plume par la fenêtre, et fais-le vigoureusement. Car je suis Mère Hiver, et quand tu secoues ma couette par la fenêtre tu apportes de la neiges dans les endroits du monde qui en ont besoin, et de la pluie dans les endroits du monde qui en ont besoin. »
« Oh, d’accord. » soupira Zelda. Elle monta à l’étage et essaya de soulever la couette, mais elle lui sembla trop lourde.
« Elle ne saura jamais si je l’ai fait ou non », se dit Zelda, et elle se contenta de la tapoter un peu sur le lit avant de redescendre. Ainsi, dans le monde d’en haut, il ne plus pas et ne neigea pas, et la terre resta sèche, brune et altérée.
« Je peux avoir mes cadeaux maintenant ? » demanda Zelda avec espoir.
Mère Hiver soupira. « Tu n’as pas bien travaillé. Tu as grignoté ma maison sans permission, et tu ne m’as apporté aucune offrande. Tu n’as pas nourri mon feu, ni nettoyé ma maison, et tu n’as même pas secoué ma literie. Pourtant je vais t’offrir de goûter à ma soupe. »
« De la soupe ! » s’écria Zelda, indignée. « Je ne suis pas venue ici pour de la soupe. Je suis venue pour l’or et les joyaux et la beauté que ma sœur a eues. »
« Très bien » dit Mère Hiver. « Je suis la Pourvoyeuse et l’Enseignante. Retourne dans ton monde, et tu y découvriras que tu as reçu les dons que tu mérites. »


Alors Zelda revint par le long chemin dans la forêt argentée, passa le four et le pommier et le champ enneigé,grimpa dans le puits, et trouva en passant la margelle sa sœur Johanna qui l’attendait.
« Mais qu’est-ce qui t’es arrivé ! » cria Johanna. Car Zelda avait changé. Bien que ses traits soient restés les mêmes, ils semblaient maintenant tirés et pincés, aussi tordus que son esprit. Et lorsqu’elle parla, des nuages de mouches et de moustiques s’échappèrent de sa bouche.

Et ainsi demeura-t’elle jusqu’à la fin de ses jours, ou au moins jusqu’à ce qu’elle ait compris quelques leçons. Qui sait ? Peut-être qu’elle est retournée dans le puits et qu’elle a mieux travaillé cette fois. Car Mère Hiver est l’Enseignante, qui nous donne toujours une seconde chance.”

Starhawk

Fêter Yule

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